Retour sur huit semaines de science sur la Station spatiale internationale, côté européen. Cet article s’intéresse aux contributions scientifiques de l’Agence spatiale européenne, que ce soit à travers des installations de pointe ou des expériences menées aussi bien par Thomas Pesquet que par ses collègues russes et américains. Les activités scientifiques à visée éducative (Ceres, Crisstal, Cataliss) ne sont pas mentionnées dans cette article.

Installations extérieures

Les installations situées sur les parois extérieures de la Station sont conçues pour fonctionner des années sans l’intervention régulière des astronautes. Il s’agit notamment du système de suivi des navires Vessel-ID qui teste des fréquences radio basses et pourrait à l’avenir proposer une surveillance globale du trafic maritime mondial. À l’heure actuelle, le suivi des plus gros navires s’effectue le long des côtes au moyen de radiobalises. Le recours à cette technologie depuis l’espace permettrait de mettre en place un système de suivi au niveau mondial et ainsi entraver les plans des pirates, faire respecter des routes maritimes déjà reconnues, aider à en établir de nouvelles plus respectueuses de l’environnement et sauver des vies en mer. Vessel-ID s’est déjà révélé décisif sur ce dernier point : 

Pendant neuf ans, SOLAR a observé depuis l’extérieur du laboratoire européen Columbus la puissance des radiations du soleil à travers le spectre électromagnétique. Les données récupérées permettent d’améliorer les modèles représentant l’activité solaire et mieux comprendre le changement climatique. Thomas Pesquet a été chargé de désactiver l’installation le 15 février 2017.

Dosis-3D monitor. Credits: ESA/NASA

Dosis-3D. Photo : ESA/NASA

Radiation

Comme chaque mois, les données des Dosis-3D ont été envoyées sur Terre pour analyse. Ces dosimètres enregistrent le niveau de radiation dans la Station spatiale. Thomas Pesquet porte par ailleurs le dosimètre ESA Active Dosimeter, qui correspond à la première expérience permettant de surveiller activement la dose de radiation reçue par les astronautes. Si l’atmosphère nous protège du rayonnement cosmique sur Terre, les astronautes dans l’espace n’y échappent pas. Les scientifiques cherchent donc à en savoir plus et l’ESA Active Dosimeter donnera une idée de la quantité à laquelle ils sont soumis sur la Station spatiale.

 

Étude du magma et des atomes

Geoflow data.

Geoflow

Geoflow-2 est toujours en cours dans le laboratoire de la Station spatiale dédié aux fluides. Cette expérience consiste à recréer le noyau terrestre dans l’espace pour mieux comprendre ce qu’il s’y passe sur Terre. Plus particulièrement, il s’agit d’étudier le comportement des liquides pendant qu’ils évoluent au sein de sphères soumis à un champ de force, à la manière du magma en mouvement à l’intérieur de notre planète et à l’origine de notre champ magnétique. Geoflow-2 ne peut être réalisée qu’en impesanteur : autrement, la gravité serait plus forte que le champ de force créé spécialement dans le cadre de l’expérience et en fausserait les données.

 

Le module européen de physiologie a été utilisé pour envoyer des données de diagnostic de l’expérience PK-4. Cette dernière est le fruit d’une collaboration entre l’Agence spatiale européenne et Roscosmos et s’intéresse au comportement des atomes dans des liquides, à travers celui de particules de poussière dans du gaz chargé. Cette simulation ne pourrait pas fonctionner sur Terre où la gravité ferait tomber les éléments observés. Début février, Thomas Pesquet a protégé le disque dur de l’équipement en l’entourant de papier bulle, afin que les chercheurs puissent en analyser les données sur Terre. L’astronaute de Roscosmos et coéquipier de Thomas dans le Station spatiale Oleg Novitsky a suivi un cours de rappel sur le déroulé de l’expérience, avant de prendre part à la campagne scientifique dans la semaine du 13 février.

Recherche sur le corps humain

Credits: NASA

« Maux de tête dans l’espace » : NASA.

Thomas a participé à la deuxième et avant-dernière session de l’expérience SARCOLAB-3, effectuée avec la machine MARES, avant de ranger cette dernière jusqu’à la prochaine séance.

Début février 2017, le Français a testé la combinaison Skinsuit, destinée à tenir en place la colonne vertébrale des astronautes en impesanteur. Dans la Station spatiale, elle peut s’étirer jusqu’à 7 centimètres et c’est précisément cet allongement que l’expérience tend à éviter. Peggy Whitson (NASA) a pris ses mesures avant et après que Thomas a porté Skinsuit. L’expérience avait dans un premier temps été reportée pour ne pas interférer avec une activité scientifique de la NASA, Fluid Shifts Dilution, dont les données auraient pu être faussées à cause de la restriction de la circulation sanguine induite par Skinsuit.

Le commandant Shane Kimbrough (NASA) a participé à l’expérience Space Headaches en remplissant un questionnaire hebdomadaire. Ce dernier devrait permettront aux chercheurs de comprendre les maux de têtes auxquels sont soumis les astronautes en impesanteur et de chercher des solutions pour y remédier.

Thomas working with the Space Station freezers. Credits: ESA/NASA

Thomas avec les congélateurs de la Station spatiale. Photo : ESA/NASA

En janvier 2017, Oleg Novitsky a pris part aux expériences EDOS-2 et Immuno-2 en tant que sujet. Son compatriote Andreï Borisenko a effectué les prises de sang nécessaires avant que Peggy Whitson stocke les échantillons à – 80 °C dans les congélateurs de la Station.

EDOS-2 (Early Detection of Osteoporosis in Space) s’intéresse à l’évolution de la structure osseuse des astronautes avant et après un vol. L’expérience consiste en une tomodensitométrie et en l’analyse de marqueurs dans le sang et l’urine. Tous les astronautes perdent 1% de leur masse osseuse chaque mois passé en impesanteur, phénomène qui s’apparente à l’ostéoporose. Cela compromet évidemment le succès des missions spatiales plus longues et visant des destinations lointaines. Avec EDOS-2, les scientifiques cherchent à comprendre avec précision quand s’opère les changements et s’il est possible de les détecter rapidement. Sur Terre, cette recherche permettra d’améliorer la détection l’ostéoporose , maladie très répandue au-delà des 55 ans.

 

Avec l’expérience Immuno-2, les scientifiques cherchent à comprendre comment le stress affecte le système immunitaire, notamment dans des environnements extrêmes comme la Station spatiale. Pour ce faire, ils ont recours aussi bien à des scintigraphies cérébrales, une analyse du rythme respiratoire et d’échantillons de cheveux et de sang,  dans le cadre d’une approche holistique.

Science des matériaux

En janvier a débuté une série d’expériences avec le Laboratoire en science des matériaux de l’ESA, installé dans le module américain Destiny. L’observation de la fonte puis de la solidification des alliages dans un four chauffé jusqu’à 1400 °C permet de mieux comprendre leur microstructure. Sur Terre, les résultats permettront de mettre au point de nouveaux matériaux, plus légers et solides, par exemple. Dans cette session, un échantillon d’alliage d’aluminium, magnésium et silicium a été étudié. L’expérience a pu être menée depuis le centre de contrôle, sans l’intervention des astronautes au-delà de l’insertion de la cartouche à tester.

 

Deux expériences du CNES

Thomas Pesquet a continué les sessions d’Aquapad, un dispositif qui permet d’analyser plus rapidement la qualité de l’eau. Sur la Station, il permet d’en simplifier le processus de recyclage et d’ainsi faire gagner un temps précieux aux astronautes pour se consacrer à des activités scientifiques. Pour déterminer la potabilité de l’échantillon testé, le Français a alors eu recours à Everywear. À partir d’une photo du dispositif, cette application du CNES a automatiquement calculer le nombre de points représentant des bactéries présentes sur la boîte de Petri en 3D et indiquer la qualité de l’eau.

En route vers le futur

Enfin, Thomas Pesquet a pris part à l’expérience en télérobotique Haptics-2 qui consiste à connecter un joystick entre le site de l’ESA ESTEC, aux Pays-Bas, avec un dispositif jumeau situé dans la Station spatiale. La séance a démontré pour la première fois la capacité de conduire des téléopérations bilatérale entre la Terre et la station l’astronaute pouvait sentir à des centaines de kilomètres de distance. Plus d’informations dans cet article du blog Proxima.