Expedition 50 crew. Credits: ESA/NASA

L’Expédition 50 de la Station spatiale internationale. Photo : ESA – NASA

Les expériences scientifiques ont beaucoup occupé l’équipage de l’Expédition 50 (Thomas Pesquet (ESA), Peggy Whitson et Shane Kimbrough (NASA), Oleg Novitsky, Sergueï Ryzhikov et Andreï Borisenko (Roscosmos)) ces dernières semaines. À tel point qu’au cours de la semaine du 6 mars, ils ont établi un nouveau record du temps passé sur des expériences scientifiques dans la partie américaine de la Station, qui inclue les modules de recherche européen et japonais : 86 heures, soit deux heures de plus que pour le précédent record. Ce calcul ne prend pas en compte les activités de maintenance, comme le suivi des systèmes vitaux de la Station ou le ménage.

Thomas running on the Station's treadmill. Credits: ESA/NASA

Thomas et le tapis roulant de la Station. Photo : ESA – NASA

Les astronautes en orbite travaillent en général 40 heures par semaine. Les planificateurs de mission travaillent à plein temps sur Terre à l’organisation de leur emploi du temps de manière à ce que le plus d’activités – scientifiques ou non – puissent être effectuées dans une journée. En raison des conditions de travail particulières à bord de la Station, qui comporte aussi bien un laboratoire qu’une cuisine ou encore une salle de sport, de nombreuses exigences contradictoires doivent être prises en compte pour établir les programmes des astronautes. Par exemple, une expérience sur la croissance de cristaux dans le cadre d’une recherche sur le développement de nouveaux médicaments nécessite un environnement de travail dénué de vibrations et rend donc impossible l’utilisation du tapis roulant de la Station au même moment. 

Dragon spacecraft docked to Station. Credits: ESA/NASA

Le véhicule ravitailleur Dragon amarré à la Station. Photo : ESA – NASA

L’arrivée d’un nouveau véhicule ajoute une nouvelle contrainte de temps au programme des astronautes. Il faut en effet respecter un délai précis dans le déchargement et déballage du ravitaillement, sans compter que certains matériaux doivent être rapidement utilisés avant leur date de péremption dans le cadre d’activités scientifiques spéciales. Les expériences sur les cellules, par exemple, sont ajoutées à la cargaison du véhicule ravitailleur au dernier moment afin qu’elles arrivent sur la Station dans les meilleures conditions de fraîcheur possibles. Il en va de même lorsqu’il s’agit de renvoyer sur Terre des échantillons stockés à – 80 °C en orbite : ils sont rangés dans le véhicule en dernier afin que les scientifiques au sol puissent les récupérer avant qu’ils ne dégèlent.

Cela a notamment été le cas pour l’expérience européenne Energy qui demande le stockage d’échantillons d’urine afin d’analyser avec précision la quantité de nourriture nécessaire à un séjour prolongé dans l’espace. Ils ont été transférés du congélateur de la Station au véhicule ravitailleur Dragon peu de temps avant le désamarrage de ce dernier, marquant le début d’une course contre la montre pour les récupérer et les congeler à nouveau sur Terre.

Un mois de science pour Thomas

La semaine du 6 mars – celle du record évoqué au début de cet article – a consisté pour Thomas à effectuer les derniers prélèvements et mesures pour l’expérience Energy et a travaillé avec Sergueï sur Fluid Shifts. Cette recherche s’intéresse à l’évolution du corps des astronautes en impesanteur, afin de préparer au mieux de prochaines missions spatiales. Le Français a également installé des caméras pour pouvoir enregistrer le lancement de satellites miniatures depuis la Station spatiale.

Sergueï et Oleg photographiés par Thomas durant une session de l’expérience Fluid Shifts. Photo : ESA – NASA

Thomas a passé de nombreuses heures sur l’expérience japonaise Auxin qui s’intéresse à la manière dont les plantes – aussi bien sur terre que dans l’espace – transportent des nutriments pour croître. Il a également travaillé au rétablissement de le connexion pour l’application EveryWear utilisée sur la Station. La préparation à la sortie extravéhiculaire s’est ensuite ajoutée aux activités Fluid Shifts et Energy, ainsi qu’au déchargement et à la gestion de la cargaison du véhicule ravitailleur Dragon.

Les activités liées à l’arrivée du Dragon ont alors bousculé l’emploi du temps habituel des astronautes et contraint Peggy, Shane et Thomas à travailler pendant tout le weekend sur des expériences scientifiques (Auxin pour le Français, une recherche sur les rongeurs pour ses coéquipiers).

A view from Kibo. Credits: ESA/NASA

Une vue de la planète depuis le laboratoire Kibo. Photo : ESA – NASA

Thomas a commencé la semaine du 10 mars en passant le lundi entier à travailler dans le laboratoire japonais Kibo sur des équipements extérieurs grâce au petit bras robotique. Il a également enregistré les données collectées onze jours durant par son brassard dans le cadre de l’expérience Energy. Le jour suivant a été consacré au prélèvement et au contrôle de l’eau de la Station. Pour ce faire, il a eu recours aussi bien aux approches standards qu’à une nouvelle technique expérimentale appelée Aquapad, laquelle a été conçue par le CNES en France. Les échantillons d’eau ne comportant pas de bactéries, Thomas a pu confirmer sa potabilité.

Avec le retour sur Terre du Dragon prévu le 19, la semaine du 17 mars de Thomas a consisté en la préparation minutieuse de sa cargaison comportant de nombreux échantillons scientifiques. Le Français a également continué son travail sur l’expérience Auxin évoquée plus haut.

Dragon departure. Credits: ESA/NASA

Départ du Dragon : le bras robotique relâche le véhicule. Photo : ESA – NASA

À bord du Dragon, Thomas a placé un disque flash rempli de données provenant de l’expérience européenne SODI-DCMIX. Il s’agit d’une recherche sur l’interaction des mélanges liquides dans l’espace. De nombreux liquides, comme le lait ou l’huile, consistent en la suspension de molécules et cette recherche s’intéresse précisément à la physique de cette suspension. La Station, affranchie de la contrainte de la pesanteur qui vient cacher les interactions entre les molécules, constitue un laboratoire intéressant pour comprendre le phénomène.

Shane and Thomas in the BEAM module. Credits: ESA/NASA

Shane et Thomas dans le module BEAM. Photo : ESA – NASA

Les deux sorties extravéhiculaires de la fin mars ont demandé de nombreuses heures de préparation et d’entraînement de la part de l’équipage. Thomas a également consacré du temps à l’inspection du module expérimental de la Station, le BEAM. Gonflable, ce dernier permet de tester un habitat spatial qui devrait permettre d’assembler plus rapidement de futures stations. Le Français a notamment prélevé des échantillons d’air et réacheminer des câbles suite au transfert de l’adaptateur de couplage pressurisé (PMA).

Tout au long de ses activités, Thomas portait un dosimètre de l’Agence spatiale européenne pour enregistrer les niveaux de radiation. Il s’agit de la première enquête approfondie sur la quantité de radiation reçue au quotidien par les astronautes dans l’espace. Les données de l’appareil, porté à la ceinture, sont envoyées à intervalles réguliers sur Terre.

La recherche européenne ces dernières semaines

La Station spatiale internationale est le fruit d’une collaboration entre les États-Unis, la Russie, le Canada, le Japon et l’Agence spatiale européenne (ESA). En conséquence, de nombreuses expériences de l’ESA sont menées par des astronautes non-européens, de même que Thomas travaille sur de la recherche venue du monde entier, sans compter les expériences effectuées automatiquement et qui ne demandent pas l’intervention régulière des astronautes.

Parmi les autres expériences notables qui se sont déroulées au cours du mois dernier figurent de la recherche en matériau pour créer des alliages à la fois plus solides et plus légers. Les expériences Meltcomp-1 et Seta-2 se sont intéressées respectivement à des alliages de cuivre-silicium et d’aluminium-cuivre. La « croissance eutectique », quand les ions métalliques se solidifient à la température la plus basse possible, est particulièrement  intéressante dans le cadre de ces recherches.

Pendant ce temps, Magvector étudie l’interaction du champ magnétique de la Terre avec un conducteur électrique. A l’aide de capteurs magnétiques extrêmement sensibles placés autour et dessus un conducteur à bord de la Station spatiale, les scientifiques en apprendront plus sur l’influence d’un champ magnétique sur les conducteurs. Cette recherche permettra non seulement d’optimiser les expériences électriques futures, notamment sur la Station, mais également d’améliorer nos connaissances sur les conducteurs électriques en général, lesquels constituent un élément essentiel de notre technologie.

Shane a continué l’expérience Space Headaches qui permet de garder une trace des maux de têtes des astronautes au cours de leur mission au moyen de questionnaires réguliers. Il s’agit d’une douleur dont se plaignent fréquemment les astronautes dont le corps doit s’acclimater à l’environnement inhabituel de l’espace.

Enfin, une actualisation des ordinateurs miniatures à visée pédagogique Astro Pi , basé sur Raspberry Pi, a permis d’améliorer son système d’exploitation et de les faire fonctionner depuis le sol – dans l’espace aussi il faut garder un œil sur la mise à jour des ordinateurs !