Mozambique

Une vague d’émotions

Réalisé en collaboration avec le Parisien Magazine / Aujourd’hui-en-France Magazine

J’y suis ! Quelle incroyable sensation ! Je suis enfin à bord de la Station spatiale internationale (ISS), à 400 km de la Terre. Quand, avec mes deux collègues, l’Américaine Peggy Whitson et le Russe Oleg Novitskiy, nous avons amarré notre vaisseau à l’ISS, c’était un soulagement. Après plus de deux jours de voyage, je pouvais enfin sortir de cette capsule exiguë de 2,5 mètres de long. Et puis, il faut se l’avouer, j’avais hâte de découvrir la station dans laquelle je vais rester durant six mois. Quand on a ouvert le sas pour accéder à l’intérieur, une vague d’émotions m’a envahi. Je n’ai pas versé des larmes de joie. J’étais super content, mais pas à ce point-là. Enfin si, je suis heureux à ce point-là, mais je n’ai pas pleuré. Je ne suis pas comme ça.

A cet instant, j’ai pensé à tout le travail accompli. Mes études pour devenir pilote de ligne, le test de sélection des astronautes, ma préparation pour cette mission… Cela en fait des sacrifices ! Pourtant, je ne me rappelle que le meilleur. J’ai une mémoire qui marche d’une manière spéciale : je ne garde pas les mauvais souvenirs, je n’ai que les bons. Toutes ces choses censées être «pas terribles», comme ces longs mois d’hiver à travailler d’arrache-pied, à Moscou, sans voir ma famille, je n’en garde que du bon. J’ai de la chance d’avoir ce don. Et puis, vous savez, peu importent les obstacles que j’ai rencontrés. Dès les premières secondes dans la station spatiale, je me suis dit : «S’il fallait le refaire, je signerais sans hésiter, même si cela nécessitait encore plus de travail.»

A l’entrée de la station, les trois astronautes déjà sur place nous attendaient de pied ferme ! Arrivés le 19 octobre dans l’ISS, l’Américain Shane Kimbrough et les Russes Sergueï Ryjikov et Andreï Borissenko commençaient un peu à s’ennuyer, à trois. Même si l’on est occupé par le travail toute la journée, on n’est pas trop de six lorsqu’on se retrouve si loin de ses amis et de ses proches. Après quelques accolades, les trois résidents nous ont fait visiter, offert à manger, montré comment fonctionnaient les appareils de sécurité en cas de feu ou de dépressurisation. Au début, être en impesanteur est très perturbant.

Adapting...

Sur Terre, on s’entraîne sur des modules bien fixés au sol. Là… il n’y a pas de sol ! On a donc l’impression que les choses changent de place. Une fois, ce truc est à droite, la seconde d’après, il est à gauche, la minute d’après, au plafond. C’est très désorientant. Et puis, on n’est pas tout de suite àl’aisequand on flotte. J’ai commencé par vouloir me déplacer très vite. Je me cognais un peu partout. C’était déroutant. Mais, au bout de quelques heures, on comprend la technique.

Même si nous sommes arrivés le samedi soir, épuisés, nous ne sommes pas allés nous coucher tout de suite. Il fallait prévenir les gens restés sur Terre que tout allait bien pour nous. Du coup, nous avons organisé une conférence de presse en direct depuis l’espace.
Les journalistes nous assaillaient de questions. Mais le plus important pour moi, c’était d’appeler mes proches. Après la conférence, j’ai pu notamment joindre Anne (sa compagne, NDLR). Cela faisait des semaines qu’elle s’inquiétait et j’ai l’impression, depuis que je suis dans l’ISS, qu’elle est enfin rassurée.

Mon quotidien est chargé. Le dimanche 20 novembre, le lendemain de notre arrivée, est passé extrêmement vite. Le temps de s’installer, de prendre nos marques… Il faut dire que l’ISS est un labyrinthe. Il y a des objets rangés partout, au plafond, sur les côtés, c’est compliqué de retrouver son short ! Après, nous nous sommes mis au travail. Sauf le mercredi 23. Ce jour-là, nos toilettes se sont cassées. Et comme dans l’espace rien n’est facile, et qu’en plus, aucun d’entre nous n’est plombier, ça nous a pris toute la journée pour les réparer.

Heureusement, j’ai réussi à trouver un peu de temps pour observer la Terre depuis la Cupola (la coupole d’observation panoramique, NDLR). La chose qui m’a frappé : notre planète brille ! On ne se rend pas bien compte comme ça, mais grâce au soleil qui se réfléchit sur les nuages, sur le bleu des océans, la Terre est phosphorescente. Elle illumine les yeux. C’est absolument sublime. Donc oui, on se sent tout petit. Tout petit parce que, à part les villes, la nuit, on ne distingue pas de vie humaine. C’est étonnant de se dire que, vu de haut, c’est l’immensité de la nature et des océans qui domine.

Good night from the ISS